• Un système de castes

     

    « Bonjour, c’est Bakir. Aujourd’hui je vais vous parler un peu de moi, mais aussi comme vous l’aurez deviné au titre, de la société tharse qui est organisée en castes.

    Je tiens d’abord à vous expliquer une petite chose. Vous êtes en train de lire un journal interdit dans le Nord, ce qui veut dire que vous êtes vous-même dans l’illégalité. À moins que vous ne lisiez ces lignes depuis un pays éloigné du Tharseim, ce qui m’étonnerait beaucoup, mais après tout pourquoi pas. Ce serait inespéré pour moi.

    Quoi qu’il en soit, en publiant des textes qui vont à l’encontre de la propagande officielle, je suis un hors-la-loi. J’ai beau avoir passé l’essentiel de ma vie dans ce pays, je reste un immigré. Il est d’autant plus délicat pour un étranger de publier des écrits subversifs… à vrai dire, je risquerais le pire si je n’avais pas pris quelques précautions. J’aurais pu signer avec un pseudonyme, mais cela n’aurait pas forcément empêché les forces de l’ordre de remonter jusqu’à moi. Mon âge avancé me permet une autre option.

    Si vous lisez ces lignes, en fait, c’est parce que je suis déjà mort.

    Je ne sais pas si vous vous rendez compte de l’effet que peut avoir ce genre de phrase sur son auteur. Je suis en train d’écrire en sachant que je ne serai lu qu’après ma disparition. C’est un peu comme si je vous écrivais directement depuis l’autre côté ! Je trouve cette idée triste et à la fois amusante.

    Bien sûr, j’ai également pris soin de protéger ma famille. Mon épouse adorée a déjà quitté ce monde depuis quelques années, et je dois dire que j’ai hâte de la rejoindre. Quant à nos deux fils, nous avons tout fait pour qu’ils quittent le Tharseim.

    Pour l’aîné cela n’a pas été possible, à peine adulte il était déjà mari et père… Il a pu changer son nom de famille bien avant que celui-ci ne devienne synonyme de problèmes, en épousant une nordique. Vous ne le savez peut-être pas si vous venez d’arriver. Le Tharseim est une nation patriarcale, mais avant tout xénophobe. C’est rare mais un étranger épousant une Tharse peut quand même, après d’interminables démarches et examens, prendre son nom de famille et devenir alors un citoyen nordique.

    Notre plus jeune fils, plus aventureux, a quitté ce pays. Il est parti à la recherche de ses racines et doit être quelque part entre le Calsynn et la Nemosia, les pays d’origine de ses parents, en bonne santé je l’espère…

    Je suis maintenant le seul Meyo vivant dans le Tharseim, à ma connaissance. Si la police secrète venait à remonter la piste jusqu’à mon fils aîné, ils se rendront bien compte qu’il n’a rien à voir avec mes écrits. C’est un homme honnête et travailleur, n’ayant jamais commis le moindre écart avec la loi. Il n’est même pas au courant de l’existence de ce journal et d’ailleurs il la désapprouverait. Nous sommes en froid.

    Messieurs les flics et les militaires, je vous en conjure, laissez ma famille en-dehors de tout ça. Vous perdriez votre temps et gaspilleriez l’argent de l’État que vous servez avec tant de zèle.

    Tout le réseau clandestin d’auteurs, d’imprimeurs et de distributeurs du journal que vous lisez, tous les acteurs de cet acte de rébellion pacifique ont pris leurs précautions. Même notre journal n’a pas de nom. Vous ne nous empêcherez pas de nous exprimer, de faire éclater au grand jour la vérité. Notre vérité. Celle que nous vivons tous les jours dans ce pays décadent.

    Refermons cette parenthèse pour le moment. Comme vous le devinez sans doute, l’usure des années n’a pas atténué ma colère. J’en arrive à oublier que j’écris ces lignes pour vous raconter mon histoire. La mémoire me joue des tours à mon âge. Où étions-nous arrivés à la fin de mon texte précédent ?

    Ah oui, Ombrouge et sa Glacière…

    J’avais déjà vingt ans quand j’ai pu sortir de cet enfer gelé, en me payant un billet dans un de leurs fabuleux transports aériens fonctionnant à l’énergie magnétique. Un trajet ridiculement court étant donné les centaines de kilomètres parcourus, et surtout en comparaison de la somme astronomique que j’avais dû débourser, vu mon salaire de l’époque. C’était l’été.

    mines(image jaunie pour les besoins de l’article. Crédit photo : Stephen Codrington)

     

    Une fois la Muraille de Rouglace franchie, les montagnes rouges laissent la place à des reliefs plus doux composés d’autres roches, sans doute plus intéressantes pour l’industrie nordique : ils en ont fait une gigantesque exploitation minière. Les montagnes et les collines éventrées, disséquées pierre après pierre, offrent un triste spectacle.

    Je sais que de nombreux étrangers y travaillent comme des bêtes de somme, ceux qui ont choisi de tenter leur chance par la voie terrestre après avoir passé la frontière. La plupart de ceux qui s’aventurent à pied meurent de froid, de faim ou d’épuisement en essayant de rejoindre la première ville. Moi, j’avais passé cinq ans dans la Glacière pour éviter ça.

    Les Thars ne se soucient pas de la main-d’œuvre abondante constituée par le flot permanent d’immigrés. On peut crever ou survivre, tant qu’on se plie à leur jeu cruel, ils n’ont cure de notre sort. Tant mieux pour les plus forts et les plus malins qui s’en sortent, tant pis pour les autres. Certains ont même l’audace d’appeler ça de la sélection naturelle…

    C’est facile de s’amuser du malheur des autres quand on a comme seul mérite, pardonnez la crudité de mes propos, d’être sorti du bon utérus. Passons.

    Au nord du secteur minier s’étendent de vastes plaines entièrement couvertes de serres, de bâtiments d’élevage et d’usines, le tout quadrillé de routes où défilent en permanence d’énormes véhicules roulant ou glissant sur des coussins d’air, chargés de matières premières et de produits transformés.

    Les cheminées des usines crachent nuit et jour d’affreux panaches de fumées noires. Le ciel n’est jamais vraiment bleu, toujours voilé par une brume jaunâtre. Pas un arbre, pas un insecte sauvage, pas un brin d’herbe à perte de vue. Pas la moindre parcelle de terre à l’air libre. Partout ce n’est que béton, asphalte, grisaille et plastique. Ils ont recouvert la nature comme pour l’étouffer, la remplacer.

    Culture_hors_sol(crédit photo : Remi Jouan)

     

    J’ai alors découvert Wudest, la mégapole la plus au sud du Tharseim, considérée comme le « grenier » du pays. La ville en elle-même s’étend sur un millier de kilomètres carré, immense réseau d’immeubles, de tours et de voies de circulation bondées de véhicules en tout genre, mais les complexes industriels qui l’entourent sont encore plus impressionnants.

    Après quelques jours de galère dans la rue, je réussis à me faire héberger dans un logement miteux en périphérie de la cité, dans un quartier réservé aux migrants. Puis il me fallut retrouver du travail.

    Chaque jour je passais des heures dans les transports en commun, bondés de travailleurs manuels, pour aller suer dans leurs exploitations gigantesques. C’est là que j’ai commencé à rencontrer des représentants de toutes les castes nordiques.

    À Ombrouge, la plupart des Thars sont des militaires vêtus de rouge et noir. J’avais bien vu d’autres couleurs de vêtements, essentiellement des marchands dont les costumes étaient noirs et jaunes, toujours décorés des mêmes motifs en triangle. À Wudest j’en ai vu de toutes les couleurs, au sens propre comme au figuré.

    La société tharse repose sur trois piliers essentiels : la science, l’industrie et le commerce. L’emblème du Tharseim est un triangle tourné vers le bas, lui-même constitué de sept autres petits triangles représentant les sept castes. Chacune n’a pas la même valeur que les autres aux yeux des nordiques, et au sein de chaque caste la hiérarchie est représentée par le nombre de triangles présents sur les vêtements.

    Un simple ouvrier de la caste industrielle, par exemple, ne portera qu’un seul triangle vert sur ses vêtements noirs. Un chef d’équipe en portera trois, un technicien cinq et un directeur sept. Les  dirigeants des grands groupes et les Ordonnateurs portent tellement de triangles que leurs tenues évoquent des costumes d’arlequins, mais composés d’une seule couleur avec le noir.

    Vous suivez toujours ? Je sais, c’est un peu compliqué… moi-même j’ai mis des années à m’y habituer.

     

    Embleme_Tharseim

     

    Violet au centre : le pouvoir, le Grand Ordonnateur. Il est le seul à porter des motifs triangulaires de cette couleur. Les Ordonnateurs qui dirigent chaque caste portent une bande violette sur le col pour être facilement identifiables.

    Rouge : la police et l’armée, ne formant qu’une seule caste. Le nombre de triangles rouges détermine le grade. Seule exception : la garde rapprochée du Grand Ordonnateur qui porte des uniformes entièrement violets, unis.

    Gris : les scientifiques. Du plus éminent chercheur au simple laborantin en passant par l’ingénieur, tous portent des combinaisons noires et grises. Les triangles des médecins sont d’un gris clair presque blanc.

    Vert : les industriels, de l’ouvrier manutentionnaire au technicien, jusqu’au dirigeant d’entreprise.

    Jaune : les marchands. Cette caste comprend les grands corporatistes financiers, les négociants et en bas de l’échelle, tous les petits métiers liés au commerce (magasiniers, serveurs, vendeurs…)

    Orange : l’administration et l’enseignement. Le nombre de triangles de leur tenue désigne leur échelon, et donc en général leur niveau d’étude.

    Bleu : les artistes et les activités liées à la culture, aux loisirs. C’est la caste la moins nombreuse et souvent la plus dépréciée, quel que soit le nombre de triangles décorant leurs vêtements. Seules quelques stars ultra-médiatisées, allant bien sûr dans le sens de la propagande officielle, ont droit à un semblant de prestige.

    Les étrangers, qu’ils soient touristes ou immigrés, ne portent évidemment pas ce genre de motifs. C’est strictement interdit.

    J’ai sympathisé avec des Thars, ils ne sont pas tous aussi intolérants qu’on pourrait le croire. Certains sont tout à fait conscients de vivre dans une société plongée dans une fuite en avant, une course absurde au profit, au rendement toujours croissant, dans une frénésie de domination qui porte préjudice à toute la planète.

    Ils subissent eux aussi leur propre société.

    Ces Thars plus éveillés que la moyenne m’ont raconté qu’à l’origine, il n’y avait pas de castes dans leur pays. En tout cas, officiellement. Mais depuis longtemps, les disparités des classes sociales se sont révélées héréditaires. Enfant d’ouvrier, tu resteras ouvrier. Enfant de chef d’entreprise, tu prendras la relève, quels que soient tes véritables talents ou incompétences. Certains disent même que c’était déjà le cas sur Terre…

    Finalement, ce système de castes a le mérite d’avoir mis fin à une doctrine hypocrite prétendant que tous disposaient des mêmes chances dans la société. Au moins, les choses sont claires.

    Dans le Calsynn d’où je suis originaire, il est évident qu’on ne devient pas chef de clan sans un solide réseau d’influence. Il ne suffit pas de vaincre le meneur d’une tribu en duel pour prendre sa place, il ne suffit pas d’être le plus fort. Ceux qui pensaient le contraire ont eu de mauvaises surprises pendant leur sommeil ou dans leur nourriture, fatales… Mais ceci est un autre sujet, veuillez excuser les digressions d’un vieil homme.

    Quoi qu’il en soit, les sociétés humaines ont semble-t-il toujours fonctionné en strates hiérarchisées et bien définies, d’où il est très difficile de s’extraire.

    Les insectes géants qui dominaient Entom avant notre arrivée ont incontestablement inspiré les différentes nations humaines. Même les Thars qui méprisent la nature, avec leurs castes et leurs militaires dont les casques ont des antennes et des visières à facettes, ont pris modèle sur les premiers habitants de ce monde.

    Il y a tant à dire sur ce peuple déroutant. Dans les prochains numéros, tout en continuant à vous raconter mon parcours, je vous expliquerai ce qu’ils mangent, comment ils vivent et pensent, pourquoi ils sont aussi nombreux en mauvaise santé, malgré les apparences. Vous apprendrez les raisons expliquant l’absence totale de religions chez les nordiques, ainsi que leur développement limité de la robotique et de l’intelligence artificielle.

    Je vous raconterai ce qui a conduit ce pays à devenir ce qu’il est aujourd’hui : l’ennemi numéro un de notre planète et donc de notre avenir en tant qu’espèce. »

    freedom-the-unnamed(crédit photo : The unnamed)

     

    – Bakir Meyo, “Errances d’un Calsy dans le Nord”, extrait n°2 [journal illégal]

    Ghetto calsy de Svalgrad, ouest du Tharseim – Année 602 du calendrier planétaire.

     



     


  • Le monastère de Leda

    Il y a bien longtemps que le monastère où résident Elorine et Naëlis est devenu le centre névralgique de l’ordre Ophrys.

    À l’époque du roman, cela fait quatre cents ans que toute l’architecture valokine est basée sur le savoir-faire des terims, les insectes sociaux bâtisseurs. Tout a commencé avec le monastère principal situé près de Leda, la capitale, au cours de l’année 186 du calendrier colonial.

    Sur Terre, vous connaissez l’existence des termitières. En Afrique certaines peuvent mesurer jusqu’à 8 mètres de haut avec une base de 30m de diamètre. Les termites mélangent leurs excrétions avec de la terre et parfois des fibres de bois, pour fabriquer un mortier devenant très solide en séchant.

    Comparés à la taille des individus qui les construisent ces édifices sont gigantesques, défiant encore les techniques humaines. Et ces petits insectes végétariens sont aveugles !

    Les termitières sont truffées d’un réseau de galeries, de conduits d’aération et de chambres abritant l’ensemble des ouvriers et soldats, la reine, le roi, les œufs et les larves, des réserves de nourriture et même des salles dédiées à la culture de champignons (les termites s’en servent pour dégrader les fibres de bois qu’ils ne peuvent pas digérer seuls).

    Termitière(images de Wikimedia Commons et Mycologia34)

     

    Ces constructions réalisées avec des matériaux totalement naturels sont étonnamment complexes. Elles disposent d’un système de ventilation très efficace apportant fraîcheur et humidité dans les salles qui en ont besoin. Les termitières favorisent même l’amélioration du sol dans les régions désertiques, la terre des alentours devenant plus fertile.

    Il en existe aussi bien sûr en milieu tropical humide.

    termitière-photo1 (crédit photo : www.wiithaa.com)

     

    Imaginez la taille d’une bâtisse construite par de lointains cousins des termites mesurant près de deux mètres… Sur Entom Boötis, les terims fuient également la lumière. Ils sont aussi aveugles et leur carapace est translucide.

    En cette année 186 donc, les frontières de la Valoki étaient bien définies, l’ordre Ophrys rayonnait sur toute la Ceinture Tropicale. La Nemosia n’était pas encore une nation, elle ne représentait que les deux provinces valokines les plus au nord, en bordure du Calsynn aride.

    Les constructions étaient faites de pierre et de bois dans la puissante nation tropicale, le monastère de Leda était une bâtisse imposante au cœur de la ville.

    Cette année fut marquée par deux évènements importants en Valoki.

    Shaïli Angama venait de s’éteindre à l’âge exceptionnel de 131 ans, après un siècle de règne prospère (voir Les insectes sociaux et La découverte du Seid). Dans sa grande bienveillance, la fondatrice de l’ordre Ophrys avait elle-même mis en place le Conseil Veneris, partageant le pouvoir avec les autres Veneris Matria. Aussi, il n’y eut pas de heurts concernant sa succession.

    Comme il était de tradition chez les Valokins, le départ de la défunte vers l’Au-delà fut l’occasion de célébrations joyeuses. Suite à l’incinération de l’héroïne nationale, des festivités eurent lieu pendant plusieurs semaines dans tout le pays.

    C’est au cours de cette période que survint un autre drame dans une terimière particulièrement proche de la cité de Leda.

    Les myrmes et les vespères locales étaient aussi des alliées des Sœurs Ophrys, elles n’en restaient pas moins des prédateurs s’attaquant parfois aux autres insectes sociaux.

    Dès qu’une nouvelle colonie voyait le jour il fallait envoyer des moniales prendre contact avec la jeune reine, renouveler les alliances, les compromis. L’essaimage de certaines espèces de myrmes était difficile à observer, l’envol nuptial s’effectuant de nuit. Seules les myrmes sexuées possédaient des ailes. Au cours de la parade nuptiale, les reproducteurs pouvaient s’éloigner de plusieurs dizaines de kilomètres de leur colonie d’origine.

    Suite à l’accouplement, les mâles mouraient dans l’indifférence générale tandis que les jeunes reines fécondées perdaient leurs ailes et se mettaient en quête d’un nid pour commencer à pondre.

    ant-flickr(crédit photo : Steve Jurvetson)

     

    Si certaines espèces de myrmes bâtissaient elles-mêmes leur édifice dans le sol ou dans un tronc d’arbre-montagne, d’autres en revanche n’hésitaient pas à s’approprier le travail de leurs voisins quand la place venait à manquer.

    Alors que les Sœurs Ophrys étaient accaparées par le deuil et les cérémonies, une colonie de myrmes noires provenant d’un secteur lointain prit d’assaut l’immense terimière pourtant si proche de Leda.

    Les moniales furent alertées beaucoup trop tard pour empêcher le carnage. Elles se précipitèrent en nombre dans la construction colossale mais ne purent stopper les combats à temps. Les myrmes avaient sous-estimé les forces de leurs adversaires et dans les deux camps les dégâts furent dramatiques. Les deux reines furent tuées.

    Chez les terims, contrairement aux myrmes, le roi et la reine vivaient ensemble au cœur de la colonie, entourés de sexués secondaires pouvant prendre la relève en cas de problème. Leurs techniques de défense étaient très élaborées (soldats bloquant les passages avec leur tête démesurée, jets d’acide, emmurement vivant des agresseurs…).

    Malgré de lourdes pertes la colonie des terims avait le potentiel de se reconstituer, tandis que l’échec des myrmes les avait condamnées : ayant perdu leur unique reproductrice, les orphelines s’éparpillèrent dans la forêt, leur dernière chance de survie étant de se faire adopter par une autre colonie de la même espèce disposant d’une reine fertile.

    Les Sœurs aidèrent les terims à évacuer les cadavres d’insectes, à tout nettoyer, puis il se passa quelque chose d’inattendu.

    Au lieu de se remettre à pondre le plus rapidement possible pour réinvestir l’immense construction, le nouveau couple royal quitta tranquillement la terimière avec l’ensemble de sa suite. Ils offrirent leur bâtisse phénoménale aux moniales comme témoignage de leur reconnaissance. Malgré leur intervention tardive elles avaient permis d’éviter que les deux colonies ne s’entretuent complètement.

    Les terims parcoururent à peine deux kilomètres à l’extérieur avant de trouver un emplacement à leur convenance. Ironie du sort, il s’agissait d’une ancienne myrmilière abandonnée que la colonie invasive des myrmes noires avait négligée, pour s’attaquer à une construction plus spacieuse et bien entretenue.

    Si les prédatrices avaient daigné fournir quelques efforts pour reconstruire le nid délaissé, au lieu de s’attaquer à des adversaires trop nombreux, les deux colonies auraient même pu cohabiter en bon voisinage. Mais la vie en décida autrement.

    Mastotermes_wiki(crédit photo : CSIRO)

     

    Dans un premier temps, les moniales furent embarrassées par cette offrande gigantesque. L’idée d’investir la structure colossale était intéressante, mais les innombrables tunnels et chambres ne correspondaient pas aux dimensions humaines. Elles se demandaient comment elles allaient s’y prendre pour remanier l’ensemble du bâtiment. Et surtout, avec quels matériaux ?

    Des Sœurs allèrent prendre conseil auprès du couple royal de la colonie de terims qui s’agrandissait rapidement. Quand ils disposèrent de suffisamment de troupes pour assurer la reconstruction de leur propre nid, les terims commencèrent à envoyer régulièrement des groupes d’ouvriers pour travailler avec les moniales.

    Alors que la rénovation de la nouvelle terimière ne prit que quelques mois aux insectes bâtisseurs, la transformation du futur monastère demanda quatre ans de travail conjoint aux humaines et aux terims.

    La hauteur des issues et des tunnels fut augmentée, les chambres de ponte et de culture furent réaménagées en bibliothèques, en salles de cours, en réfectoires ou même en jardins intérieurs placés sous des puits de lumière. Des centaines de pièces plus petites furent créées pour les logements, ainsi que des dizaines de couloirs et d’escaliers permettant la circulation des humaines. On ajouta des fenêtres, des entrées et des plateformes aériennes, le réseau de conduits d’aération fut adapté.

    Un ingénieux système de récupération et de distribution d’eau de pluie fut également mis en place avec des salles d’eau collectives. La bâtisse monumentale était éclairée par des lumines, sorte de lanternes sphériques contenant un concentré de luciférine bioluminescente (la substance qui fait briller les lucioles).

    En l’an 190 fut célébrée l’inauguration du nouveau monastère principal de l’ordre Ophrys.

     

    Depuis cette époque, toute l’architecture valokine fut conçue selon le même modèle, voûtes et alcôves de terre maçonnée, bien que jamais les dimensions fabuleuses du monastère-terimière ne fussent égalées. Même les monastères des autres provinces ne pouvaient rivaliser avec celui-ci. Ce style se généralisa aussi pour les habitations civiles.

    On décora les toitures des maisons de formes coniques ou de spirales, leur donnant des airs de coquillages géants agrémentés de grands vitraux colorés, imbriqués dans la végétation luxuriante.

     

    nautilus-house_flickr(crédit photo : Mahfuz Ahmed)

     

     

    À l’époque du roman, cela fait quatre siècles que le monastère principal domine le paysage valokin du haut de ses six cents mètres. Dédale de couloirs, salles, escaliers et ascenseurs, ces derniers étant actionnés par un système de turbines à aubes fonctionnant avec la force de l’eau.

    La végétation tropicale a progressivement envahi les parois extérieures du monastère. Fantastique emblème de la cohabitation possible entre les espèces, il est resté depuis cette époque la plus grande construction de matériaux naturels habitée par des humains.

     

     


     




  • Les arbres-montagne

     

    Valoki, province de Leda – Année 603 du calendrier planétaire.

     

    À l’aube, un groupe d’une dizaine de Koré accompagnées d’enseignantes quitta le monastère principal, embarquant sur un dirigeable qui les amena dans un secteur où poussaient des arbres-montagne. Leur nom n’était pas exagéré. Ils étaient fabuleusement titanesques, dominant largement la végétation géante.

    Le dirigeable survola la canopée d’un spécimen particulièrement sombre. De gigantesques feuilles noires formaient un éventail de part et d’autre du tronc brun et lisse. D’immenses et magnifiques fleurs fuchsia ornaient les extrémités des nouvelles pousses dans la couronne de branches. La délicatesse et la complexité de ces fleurs était un ravissement pour les yeux, mais le parfum capiteux qui parvint jusqu’aux moniales et leurs apprenties était si fort qu’il en devenait rapidement écœurant.

    C’était la saison ardente, les journées étaient chaudes et il n’avait pas plu depuis un mois. Le ciel était limpide, parsemé çà et là de rares voiles d’altitude.

    La sécheresse annuelle était aussi la saison favorite des arthropodes. Les forêts tropicales étaient agitées de sons et de mouvements incessants, stridulations, craquements, bourdonnements, bruits de course… Des insectes volants se croisaient dans toutes les directions, tenus à distance par les boucliers émotionnels des Sœurs confirmées.

    Deux Matria et quatre Shaïli encadraient la dizaine de jeunes filles en robes vert pâle. Matria Aemi, enseignante régulière des Koré, était une jeune femme de trente-sept ans possédant une peau cuivrée, des cheveux noirs et des yeux bridés.

    — Aujourd’hui, commença-t-elle, nous avons la chance d’être accompagnées par une Matria qui enseigne d’habitude à des Shaïli. Nous allons tester vos connaissances concernant la végétation. Matria Elorine ?

    — Bien, nous allons commencer par… Dites-donc, les deux au fond, on ne vous dérange pas trop pendant que vous bavardez ?

    — Excusez-nous, Matria Elorine, répondit une des deux Koré en question. Nous parlions des fleurs du daruba…

    — La blafarde se fait encore remarquer, lança une adolescente.

    La plupart des jeunes filles se mirent à pouffer, moqueuses. Matria Aemi les rappela aussitôt à l’ordre. Elorine remarqua la tension et l’abattement de celle qui s’était excusée. Elle baissait à présent la tête pour contenir sa colère, mais sous la capuche, la Matria voyait la peau claire au bas de son visage. Elle l’apostropha directement :

    — Eh bien jeune fille, comment t’appelles-tu ?

    — Naëlis, Matria.

    Elle avait relevé la tête, plongeant doucement ses yeux violets dans le regard bleu cristallin d’Elorine. Ses cheveux étaient blonds, elle avait un physique vraiment inhabituel dans la région.

    — Puisque tu sembles t’y connaître, explique-nous les particularités du daruba je te prie, Naëlis.

    — C’est un arbre-montagne pouvant dépasser les deux cents mètres de haut, toutes les parties sont toxiques pour les humains. Plus on s’approche de la cime de l’arbre, plus le poison est violent car concentré dans la sève élaborée. Les fleurs et les bourgeons sont mortels s’ils sont ingérés, même à très petite dose, leur simple contact sur la peau est paralysant localement pendant quelques minutes. Les feuilles provoquent une intoxication alimentaire violente en cas d’ingestion. L’écorce peut être utilisée comme répulsif contre certains insectes.

    — Pas mal, admit Elorine. Et dans le sol ?

    — Le poison présent dans les racines provoque des nausées et des vomissements passagers, mais il a surtout le pouvoir de rendre les humains stériles. Les Matria doivent en boire une décoction spéciale lors de leur cérémonie d’admission, contenant d’autres plantes qui neutralisent l’empoisonnement mais pas la stérilité. Une fois qu’on a bu l’élixir de Daruba, homme ou femme, on ne peut plus jamais procréer.

    — Tout à fait juste. Vous remarquerez que cet arbre fleurit pendant la saison ardente, ainsi que tous les autres arbres-montagne. Mais malgré leur beauté sublime et leur parfum enivrant, ses fleurs sont très vénéneuses. Comme certaines Koré ici présentes, n’est-ce pas ?

    Elle s’adressait à celle qui avait traité Naëlis de blafarde, Lynta, une jolie brune à la peau mate. Cette dernière baissa le regard, embarrassée.

    — Maintenant, intervint Matria Aemi, nous allons nous diriger vers une autre espèce.

    Elle fit signe aux Shaïli qui pilotaient l’appareil et elles se dirigèrent vers un autre secteur. Pendant ce temps, les deux Matria discutèrent à voix basse. Le dirigeable descendit au ras de la forêt et s’immobilisa devant un tout jeune arbre-montagne qui ne devait pas faire plus de quarante mètres de haut.

    — Sœur Lynta, peux-tu nous dire quel est le nom de ce végétal ? interrogea Elorine.

    jeune-pousse-de-quelidal (crédit photo : Jason Pratt)

     

    — Oui, euh… c’est un samuca juvénile.

    — Raté.

    — Ah bon ? Mais les feuilles du luvaliane sont rouges, celles du quelidal sont presque jaunes et…

    — Les feuilles du quelidal s’éclaircissent à la maturité de l’arbre, mais pendant ses premiers siècles, elles sont bien vertes. Même le tronc change d’aspect avec l’âge. Tu confonds avec les feuilles vert-de-gris du samuca qui elles, ne changent pas de couleur… tu ferais bien d’être plus attentive en cours. Quelqu’un saurait nous expliquer quelles sont les utilisations du quelidal ?

    Craignant de se faire rabrouer aussi froidement, aucune Koré n’osa lever la main pour demander la parole, à part Naëlis. Elorine lui fit signe de s’exprimer.

    — Arrivé à maturité, le quelidal produit des grands fruits piriformes appelés quelis, de couleur orange, très appréciés pour leur goût sucré et rafraîchissant. Seuls les fruits et les racines sont comestibles sur cet arbre. On extrait une huile de leurs gros pépins, très utilisée dans la cuisine, la cosmétique et les soins médicinaux. Elle sert pour assaisonner ou frire la nourriture, soigner la peau et les cheveux, cicatriser les brûlures… mais il faut être prudent avec cette huile crue.

    — C’est bien, Naëlis. Heureusement que certaines relèvent le niveau… comme quoi, cela n’a rien à voir avec notre couleur de peau. Qui peut m’expliquer la différence entre l’huile de quelis crue et cuite ?

    Une autre Koré s’enhardit à demander la parole. Elle expliqua que cette huile crue était un médicament dangereux, que sa consommation excessive était nocive pour le foie et les reins. Une autre encore ajouta que l’huile de quelis perdait une grande partie de ses propriétés purgatives à la cuisson, et toute sa dangerosité, qu’il était donc vivement recommandé de la faire chauffer pour la consommer dans la cuisine. Pour éviter les accidents, cette huile était systématiquement pasteurisée dans le commerce.

    Matria Aemi les félicita, puis conclut en expliquant que les sœurs Ophrys étaient les seules à s’occuper de son extraction, les seules habilitées à s’en servir et à la prescrire sous sa forme crue. Pendant cet échange de connaissances, le dirigeable avait repris son itinéraire au-dessus des vastes forêts valokines. Lynta s’approcha de Naëlis et lui glissa à l’oreille :

    — Tu me paieras ça, fesses-blanches. Saleté de nordique.

    — La ferme, chuchota une autre. Si tu lui balances encore des saloperies racistes, je vais te botter le cul jusqu’à ce qu’il soit plus blanc que le sien.

    Des rires étouffés accueillirent l’intervention. Lynta se tourna discrètement vers la grande fille à la peau noire qui se tenait juste derrière elle. Plus âgée que les autres Koré présentes, presque adulte, elle était dans sa dernière année avant de passer l’épreuve des Shaïli. Elle la dépassait d’une bonne tête et n’avait pas l’air de plaisanter. Lynta la connaissait de réputation. Dépitée, elle s’éloigna de ses deux ennemies en ruminant déjà sa future vengeance.

    Lynta était une peste notoire parmi les Koré du monastère de Leda. Elle l’ignorait encore mais quelques années plus tard, quand elle atteindrait sa majorité, elle serait chassée de l’ordre à cause des manœuvres perfides et des harcèlements qui étaient devenus ses habitudes pendant l’adolescence. Médiocre élève et surtout dépourvue de l’empathie nécessaire, elle ne deviendrait jamais une Shaïli.

    — Merci, murmura Naëlis à sa nouvelle alliée. C’est quoi ton nom ?

    — Bon, toutes les deux, vous commencez à m’énerver ! s’emporta Matria Aemi. Une heure de retenue chacune ! Liselle ! Quels sont ces arbres dont nous approchons et qui poussent en groupe ?

    — Facile, répondit la grande fille à peau noire. Ce sont des luvalianes. Leurs feuilles rondes et rouge foncé sont inimitables, et en plus à cette saison, ils ont ouvert leurs sublimes fleurs blanches en forme d’étoiles.

    — Et comment les luvalianes se reproduisent-ils ? renchérit Elorine.

    — Son mode de reproduction est unique, poursuivit Liselle. Au milieu de la saison ardente, euh… les fleurs se détachent entières et tombent dès qu’elles sont bien ouvertes, au lieu de faner sur les branches. Durant plusieurs jours on peut assister à une véritable pluie de fleurs géantes qui tapissent le sol de leurs innombrables pétales blancs… À l’emplacement abandonné par chaque fleur sur les branches, se développe une graine qui au lieu de tomber, va descendre lentement en restant accrochée à sa branche par une liane qui pousse vers le bas en s’entortillant, envahissant même les arbres voisins. Les lianes ne descendent pas toujours jusqu’au sol, lors de grands vents elles se balancent et libèrent alors les graines qui peuvent être propulsées à distance. Ensuite, eh ben… elles se dessèchent et tombent, on retrouve d’une année sur l’autre des morceaux de lianes qui restent suspendus aux branches ou dans la végétation environnante. Pendant la saison ardente, il est fortement déconseillé de rester à proximité de ces arbres en raison des chutes de graines et de lianes, principalement par grand vent.

    — Naëlis… articula soigneusement Elorine. Tu crois qu’on ne te voit pas lui souffler les réponses ? Continue donc toi-même ce brillant exposé.

    Naëlis expliqua que cet arbre était sacré pour plusieurs raisons. Il s’agissait avant tout de la seule espèce d’arbre-montagne habitée par les aporims migratrices lorsqu’elles étaient en Valoki. Les fleurs du luvaliane étaient hautement mellifères, la floraison commençait juste avant la saison ardente avec les dernières pluies.

    Les aporims profitaient de son nectar abondant pour se gaver de miel avant d’entreprendre leur migration vers le Kunvel. Le nectar de luvaliane était un composant de qualité pour le miel d’aporims, mais il pouvait être consommé également brut par les humains comme boisson sucrée et tonifiante.

    En Valoki, les colonies d’aporims mellifères ne nichaient qu’à l’intérieur des luvalianes qu’on appelait parfois les « arbres à miel ».

    Ses feuilles servaient à produire de la teinture rouge, les morceaux les plus tendres des pétales de fleur pouvaient être confis et consommés comme desserts. Ses graines étaient utilisées dans la cuisine pour leurs qualités nutritives et leur agréable parfum d’amande.

    L’écorce possédait des propriétés antifongiques, broyée en poudre et pulvérisée, elle prévenait l’apparition de moisissures sur les murs des constructions, pouvait également soigner les mycoses animales et les maladies cryptogamiques des cultures. En raison de ces propriétés, les invasions de moisissures étaient très rares dans les ruches des aporims. En revanche pour la même raison, certaines espèces de myrmes et de terims qui cultivaient des champignons s’éloignaient des luvalianes pour bâtir leur nid.

    Une fois que les explications de Naëlis furent terminées, elles reprirent leur progression au-dessus des forêts valokines. Chaque Koré fut interrogée à tour de rôle mais les deux nouvelles complices ne furent plus ennuyées par les enseignantes.

    — C’est mon tour de te remercier, dit la jeune femme à la peau noire. Mais nous allons quand même nous retrouver en retenue.

    — Pas grave, nous serons au moins ensemble. Liselle, c’est ça ? Enchantée.

    — Enchantée, Naëlis.

    — Oh regarde le ciel, tu as déjà vu des nuages avec ces couleurs ?

    — Bien vu ! Non, je n’avais jamais vu ça. C’est super beau… Ça te dirait qu’on mange ensemble quand on rentre ?

     

    Nuage iridescent(crédit photo : Guillaume Piolle)

     

    C’est ainsi que débuta une relation qui allait devenir une belle amitié, et même davantage. C’était cinq ans avant le début du roman. Liselle allait sur ses dix-neuf ans, Naëlis venait d’en avoir seize.

    C’est le même jour que Naëlis rencontra Elorine, mais aucune ne savait encore que trois ans plus tard la Matria deviendrait son mentor…

     



     


  • Ombrouge : la frontière du Tharseim

     

    « Je suis un très vieil homme maintenant. Je me sens usé, si fatigué… Ma vie a été bien remplie, semée d’embûches et d’évènements importants dont j’aimerais raconter les plus marquants. Aussi ai-je entrepris de rédiger mes souvenirs.

    Mais je manque à tous mes devoirs, pardonnez-moi. Je m’appelle Bakir Meyo, j’ai passé mon enfance dans le Calsynn. Je suis né dans la partie la moins désertique de mon pays, dans un village de pêcheurs au bord de l’Océan Armaz. Je dois avouer que je suis un piètre représentant des Calsy.

    J’ai quitté le clan Meyo, ma famille et mon pays alors que je n’avais que quinze ans. La technologie et les richesses des Thars me fascinaient, comme beaucoup de membres de mon peuple, j’espérais pouvoir prendre ma part de ce gâteau appétissant… La tête pleine de rêves, je suis parti avec une caravane vers le nord en longeant les côtes de l’océan jusqu’à la Muraille de Rouglace, ce qui nous permit d’éviter le désert.

     

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    Nous suivîmes la Muraille pendant près de deux semaines sous un soleil de plomb. Cette grande chaîne de montagnes aux roches rouges ne nous offrait que très peu d’ombre, car nous étions au pied des versants sud.

    En avançant dans la garrigue à la végétation piquante, nous entendions les grondements du tonnerre de l’autre côté des falaises infranchissables, mais aucune averse ne parvint jusqu’à nous. La pluie semble mépriser le Calsynn, autant que les peuples qui ont la chance d’en profiter.

    Le manque d’eau, les pillards, les insectes carnivores… entre les myriapodes gigantesques, les pièges des myrmilions et de certains arachnides dans le sol, les scorpides tapis dans les rochers avec leur dard empoisonné, j’ai bien cru que nous n’arriverions jamais à destination. Nous n’avions que des armes à feu rudimentaires.

     

    Hommes, femmes, enfants et insectes de bât, un tiers de notre caravane n’arriva jamais à bon port. Malgré les morts et les blessés, nous atteignîmes finalement le seul passage dans la Muraille de Rouglace. Je me souviens comme si c’était hier de la première fois que j’ai vu la citadelle d’Ombrouge.

    Accrochées aux parois de la gorge dans l’ombre entre les falaises, ses hautes bâtisses rouges coiffées de lauzes noires avaient un aspect lugubre et menaçant. Un vent étonnamment froid s’engouffrait dans le canyon en nous apportant les parfums d’une autre végétation, d’un autre climat.

    La citadelle proprement dite n’était que la partie d’Ombrouge appartenant aux Calsy, comme c’est toujours le cas aujourd’hui. Nous avions passé le premier contrôle sans encombre. Derrière le haut mur d’enceinte se dessinaient des rues étroites et sinueuses entre les maisons qui semblaient avoir été placées au hasard.

    J’appris plus tard que ce désordre apparent est en fait une adaptation judicieuse aux particularités du terrain. Les bâtiments sont construits sur des roches dures, tandis que le pavement des rues stabilise les veines plus friables qui valent à ces à-pics la réputation d’être impossibles à escalader.

     

    68932474_394fff160b_zflickr (crédit photo : Ken Lund)

     

    Les plus hauts sommets étaient couverts de neige, c’était la première fois que j’en voyais.

    Dans la rue principale à l’ombre, de nombreux marchands vendaient des objets technologiques, désuets depuis longtemps dans le Tharseim. Mon peuple n’a toujours eu droit qu’à ramasser leurs miettes périmées… Nous avancions les uns contre les autres, craintifs, écrasés par la hauteur des parois vertigineuses qui semblaient serrer la citadelle comme un immense étau de pierre rouge.

    Nous n’étions qu’une poignée à vouloir passer la frontière dans ce groupe. Après des adieux émouvants à nos compagnons de voyage, nous laissâmes les autres membres de la caravane à leurs affaires. Inutile pour nous de s’attarder devant les marchandises obsolètes. Nous allions entrer dans le paradis technologique ! J’étais tout excité à l’idée de découvrir enfin cette nation puissante dont les richesses nourrissaient mes espoirs les plus fous.

     

    À l’autre extrémité de l’artère principale se dressait un impressionnant mur de métal, couronné de tourelles et de canons. Immense et lisse, il coupait littéralement la ville en deux. Trois portes blindées permettaient de passer le poste de contrôle surveillé par les nordiques. De nombreux appareils volants se croisaient dans le ciel, certains ressemblaient à de magnifiques galions dont les voiles reflétaient l’éclat du soleil. J’étais émerveillé.

    La plus grande porte était réservée aux rares Thars qui passaient la frontière par la voie terrestre ; la plupart la survolaient avec leurs vaisseaux volants, ne s’arrêtant que le temps d’un contrôle dans l’aéroport qui nous était encore invisible.

    Une file plus importante de marchands, diplomates et autres riches voyageurs se dirigeait lentement vers la deuxième entrée. Il s’agissait de Calsy, de Nemosians et même de Valokins, à cette époque. Des personnes qui avaient les moyens de se payer un aller-retour pour dépenser leur argent dans le Tharseim.

    Enfin, la troisième porte était réservée aux migrants tels que moi, qui espéraient accéder à l’opulence nordique ou échapper à la misère en fuyant leur pays d’origine pour toujours. L’interminable file de pauvres hères avançait avec une lenteur exaspérante vers les soldats qui gardaient le passage.

     

    Il nous fallut plusieurs heures pour arriver devant le poste de contrôle, durant lesquelles nous vîmes de nombreux migrants se faire refouler comme des malpropres. Notre moral était sérieusement entamé quand nous nous sommes présentés devant les militaires. Officiers en uniforme ou simples soldats en armure électronique avec des casques évoquant des têtes d’insectes, tous étaient vêtus de motifs en triangles noirs et rouges typiques de la caste guerrière. Lourdement armés.

    Ils nous posèrent des tas de questions avec leur accent bizarre, puis nous scannèrent à tour de rôle avec de curieux appareils tubulaires.

    J’avais de la chance d’être jeune et en pleine santé. Certains de mes compagnons ne passèrent pas ce premier test. Je frissonne encore en repensant à la brutalité des soldats n’hésitant pas à frapper ceux qui protestaient contre leur décision irrévocable. Le plus agressif des migrants fut même abattu sur place pour montrer l’exemple. Et plus personne n’osa rien dire.

    Pour ceux qui restaient, nous avons subi une fouille corporelle des plus humiliantes. Ils nous avaient inspectés comme si nous n’étions que des marchandises sur une foire au bétail, puis nous avaient parqués pendant des heures dans des baraquements gelés et insalubres, sans sanitaires, sans eau ni nourriture. Même les rudes bergers à escarabes du Calsynn ne traitent par leurs insectes de cette manière. Quelle désillusion ! Je me souviens avoir pleuré, mon père m’aurait giflé s’il m’avait vu gaspiller mon eau de la sorte. À quinze ans, la plupart des garçons calsy sont déjà des hommes et leurs yeux sont aussi secs que le désert.

    Mais moi, au crépuscule de ma vie, il m’arrive encore de pleurer.

    Après un long interrogatoire individuel et une visite médicale complète, je perdis de vue mes compagnons d’infortune. On nous avait triés. Un officier me donna une carte de séjour magnétique à renouveler tous les trois mois, puis je découvris enfin ce que cachait cet énorme mur blindé. De l’autre côté, la gorge s’élargissait en formant une grande cuvette envahie d’immeubles de verre et de métal.

     

    Un énorme aéroport accueillait les navires volants des Thars. Une hôtesse m’expliqua avec condescendance que c’était le seul moyen d’atteindre une grande ville nordique. Comme je n’avais pas de quoi me payer ce genre de transport, on m’indiqua que je devais aller travailler dans la Glacière.

    D’après ce qu’on m’a raconté, elle n’a pas changé depuis cette époque.

    Derrière la ville et l’aéroport, le canyon se resserrait à nouveau en obliquant sur un axe est-ouest. La gorge étroite était tellement profonde entre les hautes falaises qu’elle était constamment à l’ombre sur des centaines de kilomètres de long. Un vent glacial y soufflait en permanence, provenant directement des steppes qui dominaient le paysage au-delà des montagnes.

    Sur les versants nord de la Muraille de Rouglace, le changement de climat était brutal. Il gelait parfois dans la Glacière même à la belle saison, le soleil n’atteignant jamais le fond du canyon. Le froid permanent rendait possible le stockage de blocs de glace produits en hiver pour les revendre toute l’année aux peuples du Sud.

    À cette époque, les machines de réfrigération n’étaient pas encore accessibles pour les habitants du Calsynn. Aujourd’hui elles sont encore très chères, des migrants doivent toujours y laisser leur santé.

     

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    C’est là que j’ai dû travailler pour gagner de quoi m’acheter une place dans un de leurs superbes vaisseaux aériens. Un boulot de forçat pour un salaire de misère. Je devais payer mon logement, ma nourriture, mon eau, absolument tout. Je me suis fait voler plusieurs fois mes maigres économies par des pauvres types aussi miséreux que moi. Mais sans honneur.

    Cinq ans ! J’ai trimé pendant cinq ans dans ces conditions pénibles, ombre, froid et blocs de glace, avant de réunir assez de zolkins (la monnaie tharse) pour espérer une vie meilleure. J’y ai développé de larges épaules mais surtout d’épouvantables problèmes de dos, et un caractère de plus en plus taciturne. Moins je devenais bavard et plus je prenais goût à l’écriture. C’est peut-être le seul point positif de mon renfermement, car je l’espère, mes textes vivront bien plus longtemps que moi.

    Rares sont les secteurs où  la nature est préservée dans le Tharseim… celui-ci en fait partie. Avant la prolifération industrielle, certains endroits devaient être magnifiques.

     

    Par la suite j’ai travaillé dans des usines, des serres hydroponiques, sur des bateaux, dans des élevages d’animaux qui ne voyaient jamais la lumière du jour… sous un climat de plus en plus froid et humide à mesure que je réussissais à continuer vers le nord, vers les mégapoles où j’espérais trouver un emploi plus rémunérateur.

    J’ai connu la rue dans leurs immenses cités, la faim, le froid, les ghettos, le mépris et l’arrogance de nombreux nordiques. J’ai aussi rencontré des personnes sensées, intéressantes, qui ployaient sous le même joug que moi, chacune à sa manière. J’ai eu la chance de rencontrer ma femme, nous avons eu des enfants.

    J’ai vécu l’arrivée au pouvoir de Hirdan Pascor il y a une vingtaine d’années. J’ai vu ce pays se dégrader encore plus, sombrer dans la peur et le cynisme.

    Et pourtant je suis resté. J’ai erré pendant des années d’une cité à l’autre avant de trouver un semblant de stabilité. Je me suis même lié d’amitié avec certains Thars.

    Mais il s’agit d’autres histoires que je vous raconterai une prochaine fois. »

     

    – Bakir Meyo, “Errances d’un Calsy dans le Nord”, extrait n°1. [journal illégal]

    Ghetto calsy de Svalgrad, ouest du Tharseim – Année 602 du calendrier planétaire.

     

     



     


  • Héros, méchants ou indécis

    Bonjour,

    Cet article fait suite au précédent intitulé « Elorine et Naëlis ». Je suis allé à la rencontre d’autres personnages du roman, peu de temps avant que l’histoire ne commence… année 608.

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    Liselle

     

    « Je suis une Valokine pure souche, si l’on peut dire. Mes parents habitent encore à Eniapur où je suis née, dans la province de Hivao. Tout le monde est plus ou moins métissé mais chez moi, ça se voit pas tellement. Je suis tout ce qu’il y a de plus noire. Peau foncée, cheveux crépus…

    C’est ça, tout le contraire de mon amie Naëlis. Je ne suis pas surprise qu’elle vous ait parlé de moi. Nous sommes voisines de chambrée et passons beaucoup de temps ensemble. Elle est super. J’aime beaucoup sa gentillesse, sa douceur. Il nous arrive de partager un peu de tendresse. Jaloux ? Me dites pas que vous êtes choqué.

    Nous ne sommes pas des nonnes soumises et frustrées comme certaines de la Terre antique. Le plaisir fait circuler l’énergie, produit des endorphines, ça fait longtemps que ce n’est plus un tabou. La yoni de la femme est sacrée chez nous, ça ne veut pas dire qu’on a pas le droit de s’en servir. La seule question c’est comment.

    Bref. On parlait de quoi déjà ?

    Naëlis, je l’ai toujours défendue face aux critiques des autres sur ses origines. Moi je la trouve magnifique avec ses yeux violets, ses cheveux clairs et les petites taches de rousseur sur sa frimousse. C’est original au moins… Elle se pose trop de questions mais elle est loin d’être stupide. Le premier qui l’ennuie aura affaire à moi.

    Je suis une fille très directe. D’ailleurs, si vous m’abordez dans l’espoir de me faire du charme, je vous le dis tout de suite : vous perdez votre temps. Vous êtes quoi au juste, écrivain ? marrant. Les hommes ne m’intéressent pas, c’est interdit et de toute façon, je n’ai pas le temps pour ces bêtises. Revenez me voir dans six ans, quand je serai devenue Matria, nous en reparlerons peut-être (rire). »

     

    > Cette jeune femme très franche m’a parue sympathique malgré un sexisme assez évident. Après tout, elle vit dans un matriarcat.

    Sa peau et ses cheveux noirs font ressortir l’éclat de ses jolis yeux noisette. Elle a tout d’une guerrière. Liselle a pu choisir entre deux factions de l’ordre à sa majorité, elle aurait pu faire une excellente Ordoshaï.

     

    ♦ ♦ ♦

     

    Aguas_del_lago_de_Maracaibo_contaminadas_por_Lemna_03b (végétation retouchée. Crédit photo : The Photographer)

     

    Crysarios Darek

     

    « C’est un plaisir de vous accueillir à Meriv, nous n’avons pas souvent de visiteurs ici. Bienvenue.

    Je suis l’édile de cette « charmante » ville que vous apercevez au fond, depuis que j’ai dirigé la célèbre bataille qui nous a permis de mettre les Thars dehors.

    Eh oui, j’étais un héros à cette époque ! Nous avons payé le prix fort pour retrouver notre indépendance… Mes prédécesseurs avaient laissé les nordiques ravager notre environnement, et le conflit pour les chasser n’a laissé de ma ville qu’un champ de ruines. Depuis vingt-cinq ans, nous essayons de réparer les dégâts, de nettoyer l’écosystème, de le ramener à la vie.

    J’ai parfois l’impression que c’est une tâche sans fin… peut-être n’en verrai-je pas le bout de mon vivant. Qu’importe. Au moins aurai-je la consolation d’avoir participé, d’avoir laissé aux générations futures un environnement plus sain que ce qu’il est aujourd’hui. Regardez-moi ça ! La Mer Orange, triste souvenir ! Il n’y a plus que des débris flottants, des déchets industriels et des algues nauséabondes. Ici en Nemosia, les infortunés habitants de ses côtes l’ont rebaptisée d’un nom que je ne répèterai pas, pour éviter d’être grossier. Pauvre mer mourante.

    Vous connaissez Elorine Sequoia ?! Elle vous a parlé de moi ?… Ah bon (déçu).

    C’est une très bonne amie, nous nous sommes rencontrés quand elle était diplomate en Nemosia. Quelle femme ! Si seulement elle n’avait pas déjà prononcé ses vœux de Matria à l’époque… pardon, je m’égare. C’est en partie grâce à elle que certaines régions nemosianes se sont à nouveau rapprochées des Valokins. J’aimerais bien la revoir mais ça me paraît difficile. Nous avons tellement de responsabilités l’un et l’autre, coincés dans nos vies respectives, si loin… (soupir). Je boirais bien un verre. »

     

    > Crysarios est ce qu’on appelle une armoire à glace. Mais la cinquantaine bien entamée commence à peser sur son embonpoint… il est amical malgré son regard profondément triste. Il a un air d’ours avec sa bedaine et sa grosse barbe noire. Vous pouvez lui répéter, sur ce monde, personne ne sait ce qu’est un ours.

     

    ♦ ♦ ♦

     

    5204601216_a418013538_z-flickr (illustration : ZombMax)

     

    Hirdan Pascor

     

    « Je n’ai pas de temps à perdre avec vos inepties. ME faire connaître ? Haha ! Tout le monde connaît Hirdan Pascor, enfin ! Voyez ces triangles noirs et violets sur mon superbe costume, vous savez ce qu’ils signifient ? Je suis le Grand Ordonnateur du Tharseim, le dirigeant de la plus puissante nation de cette planète. Vous débarquez d’un obscur village de la ceinture tropicale ou quoi ? (regard soupçonneux)

    Je n’ai rien à dire à un étranger. Vous n’arrivez même pas à la cheville de la plus vulgaire femelle du Tharseim.

    Qui vous a laissé entrer ? Déguerpissez prestement, ou je vais vous confier à mes nouveaux soldats d’élite… Pour écrire votre torchon, vous n’aurez qu’à vous adresser à mes biographes. »

     

    > Je n’ai pas eu plus de succès avec ses biographes, désolé.

    Hirdan Pascor est un homme grand et svelte, paraissant beaucoup plus jeune que ses soixante ans. Il a une peau très pâle, des cheveux blonds coupés très courts et des yeux vairons, l’un brun et l’autre bleu. Son goût pour les jeunes hommes est de notoriété publique. Il n’a ni épouse ni enfants.

    Xénophobe et misogyne, ce type a tout l’air d’un dangereux mégalomane qui méprise à peu près tout le monde, à part lui-même.

     

    ♦ ♦ ♦

     

    Aries Vardan

     

    « Veuillez m’excuser, j’ai assisté à la fin de votre entrevue avec le Grand Ordonnateur (regard inquiet à gauche et à droite). Vous savez, tous les Thars ne se désintéressent pas des étrangers.

    Pardon ? Oui c’est exact, il existe des mouvements dissidents… Non bien sûr, je n’en fais pas partie. Parlez moins fort s’il vous plaît. Écoutez, je ne peux pas répondre à vos questions, j’ai beaucoup de travail. Je vais vous donner un conseil amical : faites attention à ce que vous dites si vous ne voulez pas finir dans un cachot ou une salle de torture. »

     

    > Aries Vardan est un des Ordonnateurs du département scientifique à Harfang, la capitale du Tharseim. C’est un homme important dans son pays. Il porte une blouse-uniforme décorée de triangles noirs et gris. Cinquantenaire il est de corpulence moyenne, c’est un homme assez avenant malgré son air inquiet.  Il a des yeux verts, des cheveux poivre et sel coupés courts.

    Je lui ai proposé un rendez-vous pour discuter plus sereinement, il a refusé. Il semble détenir des informations intéressantes mais il faudrait pouvoir gagner sa confiance…

     

    ♦ ♦ ♦

     

    1200420204_722355975a (crédit photo : David Jonglez)

     

    Hog

     

    « Par tous les cactus du Désert Agriote, un touriste ! Z’êtes perdu ?

    Si j’ai de l’eau ? ‘Faut voir…  vous avez queq’chose en échange ? Alors non. Saloperie de soleil, hein ! Ouais je traverse le désert avec ma caravane d’escarabes, enfin, un bout seulement. Y a pas mal de tribus qui apprécient que j’leur amène des marchandises depuis la frontière nemosiane.

    Ça vous étonne que je trimballe du bois, ben r’gardez autour de vous ! Dans le Calsynn, c’est un matériau rare et précieux. Ouaip, des fois j’emmène des gens mais ça m’étonnerait qu’on fasse affaire, tous les deux.

    Z’avez pas d’eau, pas d’bouffe non plus j’imagine… des armes ? Ah ! Filez-moi ce joli fusil sonique et je vous conduis au prochain village. Je sais comment éviter pas mal de coins dangereux, j’connais l’emplacement de quelques sources. Si vous préférez garder votre pétoire, vous allez crever de soif ici. C’est pas mon problème. »

     

    > Hog est un nomade solitaire du Calsynn. Assez petit et trapu, il porte une tenue disparate faite de cuir de chenille et de plaques d’armure en carapace de coléoptère. Son crâne est rasé à blanc, hormis deux longues tresses brunes qui partent du sommet de la tête et lui arrivent au milieu du dos.

    Je l’ai surpris en train de fouiller dans mes affaires pendant la nuit, mais comme je n’avais rien caché d’intéressant, on en est resté là. Déjà bien armé et équipé d’un diffuseur de phéromones répulsives, il n’a pas hésité à tirer sur tous les insectes menaçants qui croisaient notre route. Certains étaient de vrais monstres…

    Il a gardé mon fusil et j’ai finalement pu sortir du désert. Mon petit doigt me dit que j’ai eu de la chance de ne pas être une femme, cette fois.

     

    ♦ ♦ ♦

     

    Le Porteur de Mort

     

    > Je n’ai pas réussi à le localiser pour avoir un entretien avec lui. À vrai dire, il est difficile de savoir s’il ne s’agit pas seulement d’une légende.

    Le Porteur de Mort serait un assassin méthodique faisant des victimes un peu partout sur l’hémisphère habitable. Il n’aurait jamais laissé un témoin vivant, jamais le moindre indice ni la moindre empreinte. Personne ne sait à quoi il ressemble et pourtant, la plupart des gens ont entendu parler de lui.

    Ses crimes sont signés par la pratique d’un rituel sur les corps de ses victimes, toutes tuées avec des armes blanches parfois enduites de poison. Les cadavres sont toujours retrouvés dans des postures paisibles, formant parfois entre eux des figures géométriques. Les yeux clos, comme préparés pour un ultime voyage, ils sont couverts de pétales de fleur odorants et légèrement phosphorescents, provenant d’une plante jusqu’à ce jour inconnue.

    Ses malheureuses cibles ne semblent pas avoir de lien entre elles. Comme elles sont parfois très éloignées géographiquement, certains pensent qu’il pourrait s’agir d’un canular sordide, d’imitateurs reproduisant la méthode d’un tueur ayant réellement vécu. D’autant qu’il est supposé parcourir ce monde depuis plus de cinquante ans… S’il existe vraiment et qu’il y a une logique derrière ses meurtres, lui seul la connaît.

     

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    > Je sens une présence, quelque chose m’observe… on me suit. Il est temps de rentrer.

     

    ♦♦♦

     

    Pfiou ! Pas toujours évidents ces personnages. Je me rends compte combien moi, qui ne suis ni un héros ni un méchant, je n’en mènerais pas large face à certains d’entre eux. Vous les rencontrerez tous dans le roman et il en reste d’autres à découvrir…

    Pour le prochain article j’hésite encore entre plusieurs sujets, alors ce sera une surprise. Il s’agira en tout cas d’une petite histoire.

    Prenez soin de vous.